À l’automne-hiver 2024, la Maison de la culture du Japon à Paris (MCJP) consacre son temps fort d’exposition temporaire aux transformations urbaines et sociétales de la ville de Tokyo, suite aux ravages du Grand tremblement de terre du Kantô de 1923, au travers d’une proposition mettant à l’honneur l’art de l’estampe moderne de la première moitié du XXe siècle.
Edo, ancienne capitale shogunale, devient Tokyo en 1868 et se modernise à grande vitesse tout au long de l’ère Meiji. Mais c’est durant l’ère Taishô, en 1923, que le coeur du Japon s’accélère, dévasté par le séisme de la région du Kantô faisant plus de 100 000 morts et détruisant 44% de la ville d’alors. Les travaux de reconstruction vont cependant permettre le développement des routes et du réseau ferré, la rénovation des voies fluviales, la création de parcs… La capitale se métamorphose en une ville de béton et d’acier qui s’agrandit considérablement en 1932 en fusionnant avec les villes et villages environnants.
Ce sont ces radicales et multiples mutations de Tokyo, que l’exposition Tokyo, naissance d’une ville moderne – Estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum souhaite donner à voir à tous les publics, amateurs du Japon et de l’art, épistémophiles ou simples curieux.Au travers d’une centaine d’oeuvres issues des collections de l’Edo-Tokyo Museum et centrées sur la période des années 20 et 30, le parcours imaginé par les commissaires de l’exposition, scandé en 4 thématiques distinctes, fait dialoguer des estampes modernes avec des affiches, photographies, accessoires de mode et cartes, afin d’éclairer les visiteurs sur l’histoire de l’évolution de Tokyo, devenue une capitale bouillonnante.
L’exposition s’ouvre sur le maître de l’estampe ukiyo-e Kobayashi Kiyochika avec des vues de sites célèbres du Tokyo de la fin du XIXe siècle.
Un premier volet réunit des oeuvres datées d’avant le Grand tremblement de terre du Kantô, à l’ère Taishô (1912-1926), période où naissent deux nouveaux courants de gravure : les shin hanga (nouvelles estampes) et les sôsaku hanga (estampes créatives). S’inscrivant dans un souci de réinvention des formes d’expression, les shin hanga continuent pourtant d’établir une séparation entre le peintre, le graveur et l’imprimeur, sous la direction d’un éditeur, tandis que les sôsaku hanga, quant à elles, sont réalisées par des artistes qui dessinent, gravent et impriment eux-mêmes leurs oeuvres. Dans ces estampes, les artistes expérimentent les possibilités renouvelées qu’offre la technique de la gravure et expriment leur personnalité au travers de paysages urbains ou de scènes de la vie quotidienne.
Le séisme du 1er septembre 1923 fait l’objet d’une deuxième section dans laquelle est notamment dévoilée la série Paysages de ruines après le tremblement de terre de Tokyo de Hiratsuka Un.ichi. Réunissant des photographies, documents et objets de natures variées, ce chapitre de l’exposition présente les conséquences désastreuses de cette catastrophe naturelle.
Un troisième volet met en lumière la reconstruction de la capitale, guidée par le plan d’urbanisme « Travaux de reconstruction de la capitale impériale ». Ces programmes métamorphosent Tokyo en une ville aux rues bordées d’immeubles de béton et d’acier, sujets de nombreuses estampes qui dépeignent ces paysages reconfigurés. Au-delà des transformations urbaines, la capitale s’agrandit considérablement. En effet, en 1932, les cinq régions qui entouraient Tokyo durant l’ère Meiji ainsi que 82 villes et villages limitrophes fusionnent avec la capitale, donnant naissance au Grand Tokyo qui compte alors 35 arrondissements. Les séries Douze vues du Grand Tokyo de Fujimori Shizuo et Cent vues du Grand Tokyo à l’ère Shôwa de Koizumi Kishio présentées dans cette section témoignent de l’ampleur de la capitale.
Enfin, le dernier chapitre révèle l’émergence de la culture de la consommation dans la ville nippone ainsi déployée. Une fois transformée, Tokyo accueille les grands magasins et les lieux de divertissement tels que les cafés et les salles de spectacle, et voit la mode occidentale gagner peu à peu les quartiers de Ginza, d’Asakusa et de Shinjuku. La culture urbaine qui s’épanouit à cette époque et les Tokyoïtes qui fréquentent ces endroits à la mode, sont autant de thèmes affectionnés par les graveurs de cette période.
Un épilogue, dédié aux estampes d’après-guerre de style shin hanga, vient clôturer le parcours en établissant un lien avec le Tokyo d’aujourd’hui.