Trop intelligente, trop belle, trop forte, trop rouge ? Le mélange de fascination et de crainte que Chantal Montellier a suscité a souvent relégué son art au second plan dans l’histoire de sa réception critique, alors qu’il aurait dû être au centre de l’attention.
De 1978 à 1994, Chantal Montellier a produit un des corpus de bandes dessinées les plus singuliers dans la persistance de son rapport critique au monde. Dans son contexte de parution, le fait qu’une femme produise une telle œuvre était sans doute impensable et le silence actuel autour de son œuvre est peut-être entretenu ou savamment organisé par ceux qui hier avaient du mal à le penser. C’est ainsi que tout au long du parcours artistique de Chantal Montellier, la réception de son œuvre se présente – malheureusement – comme un cas d’école de l’histoire de l’art féministe.
Cette exposition se propose de rendre à nouveau visible une œuvre devenue invisible par la multiplication des carences éditoriales et entend contribuer à la préservation de cette œuvre, dans une perspective résolument matrimoniale.
Dans une période qui a vu la bande dessinée se répandre ainsi au-delà des rayons jeunesse des kiosques et des librairies, l’œuvre de Montellier s’impose rétrospectivement comme l’une des plus authentiquement adulte que la bande dessinée européenne d’auteur·trice ait produites. Chez Montellier, la critique de l’économie politique s’épaissit d’une critique de la société de contrôle, d’une critique de la société de consommation, d’une critique du patriarcat et d’une dénonciation des violences d’État. Opposant la froideur du réel à l’escapisme régressif ou aux nostalgies délétères, l’œuvre de Chantal Montellier dans son versant réaliste autant que dans son versant dystopique est emplie d’images qui ne paraîtront excessives qu’aux modéré·es.