Réunissant principalement des estampes de l’ère Meiji (1868-1912), l’exposition du printemps 2022 à la Maison de la culture du Japon à Paris se concentre sur un sujet original et peu traité jusqu’à présent en France.
Intitulée « Les enfants de l’ère Meiji. À l’école de la modernité (1868-1912) », elle esquisse un portrait des enfants japonais qui ont grandi à la fin du XIXe siècle, à un moment charnière de l’histoire du Japon où la modernisation et l’ouverture à l’Occident métamorphosent le visage du pays. Environ 140 pièces sont présentées dans le parcours : des « ukiyo-e représentant des enfants », mais aussi des « ukiyo-e destinés aux enfants » tels que des estampes pédagogiques pour s’instruire, des estampes-jouets pour s’amuser ou encore des estampes de récits pour rêver. La fin de l’exposition propose de découvrir un aspect de l’œuvre du dessinateur et illustrateur de presse français Georges Bigot qui a immortalisé cette époque de grandes mutations.
Durant l’ère Meiji, le Japon s’ouvre à l’Occident et met en place progressivement un nouvel enseignement scolaire qui va de pair avec les objectifs de modernisation du pays : les cours deviennent collectifs et sont en partie calqués sur le modèle occidental ; l’école devient obligatoire pour tous les enfants, garçons et filles, même ceux issus des classes populaires. C’est dans ce contexte que font leur apparition, sur les murs des classes, les planches illustrées que remplaceront par la suite les manuels scolaires, et les « estampes de brocart » éducatives destinées aux enfants, éditées notamment par le ministère de l’Éducation. En 1873, ce même ministère préconise la fabrication d’estampes comme soutien à l’éducation des enfants au sein du foyer familial. On produit alors en quantité des images sur la flore, la faune, les inventeurs célèbres ou encore les drapeaux des pays. L’ouverture du pays développe également l’intérêt des Japonais pour le reste du monde et pour les langues étrangères, en particulier l’anglais : de nombreuses écoles voient le jour et on assiste à une accélération de la publication d’estampes destinées à l’apprentissage de cette langue.
Nées durant l’époque Edo (1603-1868), les « images- jouets » connaissent un regain d’intérêt durant l’ère Meiji. Bon marché et faciles à se procurer, elles sont très appréciées des enfants des classes populaires. Poupées à habiller, cerfs-volants ou planches de constructions à assembler… des illustrations aux couleurs vives qui sont non sans rappeler les images d’Épinal. Les images-jouets comme les estampes éducatives constituaient souvent une toute première expérience de jeu et d’étude, elles offraient une ouverture vers un monde qui était encore inconnu à ces enfants.
Parallèlement aux « estampes éducatives » et aux « images-jouets », se développent dans les années 1890 des estampes « de genre » prenant pour sujet la vie des enfants. L’exposition donne à voir des œuvres de ce type signées de quatre maîtres de l’estampe : Yôshû Chikanobu, Okada Gekkô, Miyagawa Shuntei et Yamamoto Shôun. Actifs durant Meiji, ils rendent parfois compte de la nostalgie croissante pour l’époque Edo alors qu’apparaît un mouvement nationaliste qui s’oppose à la politique d’occidentalisation. Si certaines de leurs estampes mettent en scène des enfants en kimono, s’adonnant à des jeux d’autrefois, d’autres reflètent une période où le monde du jeu s’est lui aussi transformé, avec l’introduction de jouets et de jeux de société occidentaux, ainsi que de jeux plus martiaux à partir de la guerre russo-japonaise (1904-1905). Le monde encore proche de celui d’Edo que des Occidentaux visitant le Japon dans les années 1880 qualifièrent de « Paradis des enfants », devait évoluer rapidement à partir des années 1900.
Commissaire de l’exposition : Kana Murase, conservatrice au Machida City Museum of Graphic Arts